Rédigé par Benjie Thomas pour le Globe and Mail

Samedi dernier, en réponse aux menaces des États-Unis, les gouvernements fédéral et provinciaux ont annoncé l’imposition de tarifs équivalents et d’autres mesures. Cette réaction, quoique malheureuse, s’avérait nécessaire.

Selon un récent sondage de KPMG, les chefs d’entreprise canadiens ne veulent pas que nos gouvernements reculent. Neuf sur dix « croient de tout cœur » que les gouvernements fédéral et provinciaux « doivent défendre la souveraineté et les valeurs du Canada ».

Or, un monde de tarifs ne fera que nuire aux entreprises et aux consommateurs des deux côtés de la frontière. Espérons que nous pourrons éventuellement régler ce désaccord et rétablir la stabilité de notre économie.

Plus important encore, cette nouvelle guerre commerciale constitue un cri d’alarme pour le Canada, qui se doit d’améliorer sa productivité, d’accroître ses parts de marché et de rétablir son statut de pays où investir dans les entreprises et assurer leur croissance; une opinion exprimée clairement lors de discussions avec les chefs d’entreprise canadiens.

Dire que le Canada se trouve à la croisée des chemins sur le plan économique est un euphémisme. En réalité, nous sommes coincés au milieu de l’intersection, freinés par les pressions économiques et politiques qui pèsent sur nous de tous bords tous côtés.

Pendant trop longtemps, nous nous sommes laissés porter par notre voisin du Sud en raison de la taille et de la vigueur de son marché. Nous sommes progressivement devenus dépendants du commerce avec celui-ci, et avons ignoré les défis fondamentaux auxquels notre économie est confrontée.

Alors, comment relever les graves défis auxquels elle fait face?

Le mot d’ordre : agir rapidement et résolument. Les Canadiens de partout au pays estiment que nous devons nous attaquer de front à ces menaces avant que notre élan ne s’essouffle. Selon nos recherches, 80 % des entreprises canadiennes se préparent à une récession cette année.

Nous devons intervenir non seulement pour résister à ces tarifs, mais aussi pour renforcer notre économie et notre position de négociation à long terme.

Il nous incombe de tirer parti de nos avantages. Parmi ceux-ci, mentionnons nos vastes ressources naturelles en énergie, en alimentation et en minéraux critiques. Le Canada est le quatrième producteur mondial de pétrole brut et le cinquième en matière de gaz naturel. Nous pouvons également nous vanter d’avoir la main-d’œuvre la plus éduquée au monde, selon les critères de l’Organisation de coopération et de développement économiques.

En outre, nous devons étendre nos marchés commerciaux. Depuis trop longtemps, nous dépendons presque exclusivement des États-Unis pour notre croissance. La création de nouveaux marchés prend du temps, et nous savons que de nombreux efforts au cours des dernières décennies ont connu un succès mitigé.

À l’heure actuelle, nous vendons notre pétrole au rabais parce que nous n’avons accès qu’à un seul marché. Or, il y a une demande pour nos ressources énergétiques, et ce, tant sur le marché national que mondial. Il faudrait donc procéder au développement d’infrastructures à grande échelle, ce qui soulève des préoccupations environnementales, mais les entreprises canadiennes possèdent le savoir-faire nécessaire pour réaliser de tels projets de façon durable et sécuritaire.

La construction d’oléoducs dans l’Est et dans l’Ouest pour approvisionner nos citoyens en pétrole canadien et vendre ce dernier au sein de nouveaux marchés représente une occasion unique de développer notre pays, mais aussi une nécessité économique.

Ce concept d’édification national doit cependant aller un peu plus loin et éliminer les obstacles provinciaux au commerce. À un moment où nos possibilités d’exportation sont menacées, il est impératif d’éliminer tous les obstacles qui entravent le commerce interprovincial. Le Canada doit être le plus important partenaire commercial du Canada.

Il nous incombe aussi de combler notre écart de productivité. À cet égard, nous devrions adopter l’intelligence artificielle (IA) à grande échelle. On estime que l’IA générative pourrait stimuler notre économie de plus de 200 milliards de dollars et permettre au travailleur moyen de gagner près de 200 heures par année – du temps qui pourrait être consacré à concocter la prochaine innovation révolutionnaire.

Enfin, nous devons inverser la tendance à la baisse de notre avantage sur le plan de la compétitivité fiscale. L’an dernier, le Canada s’est classé au 17e rang de l’indice international de compétitivité fiscale, juste devant les États-Unis. Il s’agit d’une baisse de deux places par rapport à 2023 pour nous, et d’une augmentation de trois places pour les États-Unis. Nous demeurons relativement forts en ce qui concerne les règles de fiscalité transfrontalière, mais en ce qui concerne les impôts des sociétés, les États-Unis se classent au 20e rang et nous, au 26e. Quant aux impôts des particuliers, les États-Unis nous dament le pion, occupant la 17e position alors que nous nous retrouvons à la 31e.

Il y a dix ans, les États-Unis étaient considérés comme ayant le régime fiscal le moins concurrentiel de tous les pays développés. Ils ont depuis progressé, tandis que nous avons fait marche arrière.

Nous pouvons espérer une résolution à l’égard des tarifs, mais cela ne mettra pas fin à nos difficultés économiques.

otre économie ralentit depuis beaucoup trop longtemps et nous devons la remettre sur les rails. Les chefs d’entreprise canadiens comprennent les enjeux, et le moment est venu d’agir pour sauver notre économie. Il faut reprendre le volant, régler les problèmes sous le capot et de faire marche avant.

Mais surtout, cela nous rappelle que le Canada mérite d’être défendu.