Réduire ses émissions, c’est aussi réduire ses coûts et renforcer sa résilience face aux crises.
La décarbonation : transformer l’obligation en avantage compétitif
Publié le 18 juillet 2025

Réduction des factures énergétiques, amélioration de la productivité, accès privilégié aux financements : les entreprises qui investissent dans la décarbonation transforment leurs obligations environnementales en avantages concurrentiels durables. Malgré quelques ajustements réglementaires conjoncturels, la trajectoire de fond vers la neutralité carbone reste incontournable.
Des motivations économiques qui transcendent les aléas politiques
Alors que la Commission européenne a révisé le calendrier d'application de la CSRD et qu'émergent des discussions sur l'assouplissement de certaines réglementations environnementales, comment garder le cap de la décarbonation ?
Il est important de rappeler une réalité économique implacable : réduire ses émissions génère des bénéfices tangibles qui dépassent largement le cadre réglementaire.
Les factures énergétiques constituent le premier poste d'économies. L'efficacité énergétique offre un potentiel de réduction de 10 à 25 % sur les coûts énergétiques des entreprises. Au-delà de ces gains immédiats, les entreprises qui investissent dans l'optimisation de leurs consommations constatent des bénéfices opérationnels multiples tels que la diminution des besoins de maintenance ou l’amélioration de l'efficacité de leurs processus de production. Ainsi, 25 % des entreprises constatent que la réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) leur a permis de réaliser un bénéfice annuel supérieur à 7 % de leurs revenus. Par ailleurs, adapter son mix énergétique et recourir davantage aux énergies renouvelables permet de se prémunir contre la volatilité des prix des combustibles fossiles et de gagner en sécurité sur le long terme.
L'accès aux financements constitue également un avantage concurrentiel indéniable. Banques et investisseurs appliquent désormais des grilles tarifaires différenciées selon les critères ESG. Les entreprises vertueuses bénéficient ainsi généralement de taux d'intérêt inférieurs sur leurs emprunts.
Parallèlement, la demande des clients et des collaborateurs évolue structurellement vers plus de durabilité. Les appels d'offres publics intègrent massivement les critères environnementaux, tandis que les grands groupes imposent des objectifs RSE à leurs fournisseurs. Cette évolution crée un avantage concurrentiel durable pour les entreprises décarbonées, indépendamment des fluctuations réglementaires de court terme.
Mesurer : l’importance de la phase de diagnostic
La première étape d'une stratégie de décarbonation réussie consiste à établir un diagnostic précis des émissions de gaz à effet de serre (GES). Cette phase, cruciale mais souvent sous-estimée, permet aux entreprises de quantifier leur impact carbone selon les trois scopes définis par le GHG Protocol : émissions directes (scope 1), émissions indirectes liées à l'énergie (scope 2) et autres émissions indirectes (scope 3).
Le bilan carbone, obligatoire pour les entreprises de plus de 500 salariés (en métropole), constitue le socle de cette démarche. Mais pour transformer cette obligation en opportunité, il faut aller plus loin. L'ADEME recommande d'analyser finement la chaîne de valeur pour identifier les postes d'émissions les plus importants et les leviers d'action les plus efficaces.
L'exercice de diagnostic doit intégrer une approche sectorielle adaptée. Exemple emblématique : le BTP, qui représente 44 % de la consommation d'énergie et 25 % des émissions nationales de gaz à effet de serre avec plus de 123 millions de tonnes de CO2 émises chaque année. Pour se conformer aux ambitions de la stratégie nationale bas-carbone et atteindre la neutralité carbone en 2050, le secteur doit réduire ses émissions de 49 % en 2030 (par rapport à 2015). Quant à l’industrie, responsable de 20 % des émissions nationales de GES, elle doit viser une réduction de 35 % d'ici à 2030 et 81 % d'ici à 2050. Ces objectifs sectoriels permettent aux entreprises de se positionner et d'anticiper les évolutions de leur marché.
L'analyse prospective des risques climatiques complète ce diagnostic. Pour protéger leur valeur, les entreprises doivent intégrer les impacts physiques du changement climatique sur leurs chaînes d'approvisionnement et sites de production. Cette démarche d'adaptation devient un axe de différenciation compétitive face aux entreprises moins préparées qui subiront les disruptions climatiques sans anticipation.
Trois étapes clés pour vos plans d’action décarbonation
La phase de financement constitue souvent le principal défi de la décarbonation. Les investissements nécessaires pour atteindre la neutralité carbone sont considérables.
Heureusement, l'écosystème financier se structure pour accompagner cette transition. Les dispositifs publics se multiplient : crédit d'impôt pour la transition énergétique, fonds chaleur de l'ADEME, plan France Relance, prêts bonifiés de Bpifrance. Ces mécanismes permettent de réduire significativement le coût des investissements verts.
Le secteur privé innove également avec le développement de nouveaux instruments financiers intégrant des critères ESG. Les obligations vertes, les prêts durables et les fonds d'investissement spécialisés proposent des conditions avantageuses aux entreprises engagées dans la décarbonation. Cette dynamique crée un cercle vertueux : plus une entreprise démontre sa capacité à réduire ses émissions, plus elle accède facilement aux financements nécessaires pour accélérer sa transition.
La modélisation technico-économique devient cruciale pour optimiser ces investissements. Il faut analyser les coûts complets des solutions envisagées, intégrer les gains opérationnels (réduction des factures énergétiques, optimisation des processus) et anticiper l'évolution du prix du carbone. Cette approche rigoureuse permet de construire des business cases robustes et de sécuriser les financements.
La phase de réalisation transforme les ambitions en actions concrètes. Cette étape nécessite une approche méthodique qui combine solutions technologiques, évolutions organisationnelles et partenariats stratégiques.
L'efficacité énergétique constitue généralement le premier levier à actionner. Rénovation des bâtiments, optimisation des processus industriels, modernisation des équipements : ces investissements génèrent des économies immédiates tout en réduisant les émissions. L’intelligence artificielle (IA) joue un rôle croissant dans cette optimisation, avec des solutions de monitoring en temps réel qui permettent d'identifier et corriger rapidement les dérives. C’est une des dimensions du concept d’IA for green.
La transition vers les énergies renouvelables représente le second axe prioritaire. Installation de panneaux solaires, souscription de contrats d'achat direct d'électricité verte (PPA), recours aux certificats d'énergie renouvelable : les options se diversifient pour répondre aux besoins spécifiques de chaque entreprise. Cette transition énergétique contribue également à sécuriser les approvisionnements face à la volatilité des marchés fossiles.
L'économie circulaire génère des gains financiers mesurables tout en réduisant l'empreinte carbone. Les entreprises qui repensent leurs processus de production découvrent des sources de revenus inattendues : valorisation des déchets industriels, optimisation des flux logistiques, extension de la durée de vie des produits par l'éco-conception. Cette approche transforme les centres de coûts en centres de profit. La symbiose industrielle illustre parfaitement cette logique de création de valeur partagée. En connectant les flux de déchets d'une entreprise aux besoins en matières premières d'une autre, cette démarche réduit simultanément les coûts d'approvisionnement et de traitement des déchets. Les entreprises pionnières de ces écosystèmes industriels bénéficient d'un avantage concurrentiel durable : sécurisation de leurs approvisionnements, réduction de leur exposition à la volatilité des matières premières, création de nouvelles sources de revenus par la commercialisation de leurs co-produits.
La décarbonation ne constitue plus un coût pour les entreprises mais un investissement dans leur avenir. Les premières à s'engager dans cette transition prennent une longueur d'avance, sécurisent leur accès aux financements et anticipent les évolutions réglementaires. Cette transformation profonde des modèles économiques ouvre la voie à une croissance durable, réconciliant performance économique et réduction des émissions de GES. Les entreprises qui sauront transformer leurs obligations climatiques en opportunités stratégiques disposeront demain des clés de la réussite dans une économie décarbonée.
L'expertise KPMG au service de la décarbonation
KPMG accompagne les entreprises de tous secteurs dans leur transition énergétique. La décarbonation, brique centrale de cette transformation, s'articule selon une approche structurée en trois phases :
Auteurs :
Valérie Besson
Associée, Responsable France du secteur des Énergies, Ressources Naturelles et Chimie, Responsable Monde Audit du secteur ENRC
KPMG en France
Aller plus loin